À quelques jets de pierre des condominiums qui annoncent un renouveau dans la ville de Québec, l’Épicerie Roset se met également à l’heure de la modernité. 

Entre les étroites allées et le backstore, Sarah-Julie J. Langlois semble être partout à la fois. La verbomotrice virevolte entre les trois étages du magasin, saluant tout le monde, clients comme employés. Dans l’arrière-boutique, au détour d’un couloir exigu, elle pirouette habilement pour laisser passer un commis aux bras chargés de boîtes de fruits frais. «Roset, c’est ma famille», explique-t-elle au passage.


Woodfield Sillery - Vie de quartier - Roset - Bienvenue


Si elle connaît si bien la sympathique épicerie de l’avenue Maguire, c’est que la jeune femme de 26 ans cumule déjà 13 ans d’expérience derrière le comptoir. «Je venais ici quand j’étais enfant. Mon père m’assoyait sur un petit tabouret et me demandait de couper des légumes», se remémore-t-elle.

Pour plusieurs, Roset est beaucoup plus qu’une simple épicerie de quartier, c’est une institution indissociable de la famille Langlois, à la barre du magasin depuis trois générations.

Comme son père avant elle, Sarah-Julie a décidé de reprendre le flambeau et souhaite donner un nouveau souffle au magasin fondé par son grand-père. Son défi : parvenir à imposer sa marque au commerce familial tout en conservant l’âme de l’endroit, si chère aux employés et à la clientèle.

Des rayons débordant d’histoire

En 1947, un supermarché où les gens sillonnent les allées à la recherche de produits n’est pas seulement moderne, mais entièrement inédit dans la région de Québec.

Première épicerie en libre-service de la région, Roset est parvenue à prospérer malgré 70 ans d’évolution d’un marché qui, entre-temps, a vu apparaître les très grandes surfaces et les géants américains du commerce de détail.

Sarah-Julie est catégorique : la pérennité du lieu repose sur l’attachement de sa fidèle clientèle à l’œuvre de son aïeul. «Certains clients nous disent qu’ils entrent ici comme ils entrent dans leur garde-manger, rigole-t-elle. Je rentre chez Walmart et personne ne connaît mon nom. Moi, je sais qui sont mes clients.»

«Il y a un dicton qui dit que c’est plus payant pour un curé d’avoir une petite église pleine de bons paroissiens qu’une grosse église vide», renchérit son père, Michel Langlois. Nouvellement retraité, il ne se gêne pas pour venir faire son tour presque quotidiennement et jaser avec les employés et les clients. 

Moderniser sans s’oublier

En 70 ans, Roset a peu changé. D’abord reconnue pour sa modernité, l’épicerie évoque davantage la nostalgie de nos jours. Une visite dans la boutique rappelle les petits magasins de quartier d’antan, où la viande était emballée dans du papier ciré kraft et où les bonbons coûtaient 5 cents. 

Sarah-JulieParadoxalement, c’est sur cette âme de magasin général que Sarah-Julie mise pour faire entrer son épicerie dans le 21e siècle. Assise dans son bureau donnant sur l’avenue Maguire, elle précise les projets qu’elle imagine pour son commerce. La dynamique jeune femme détonne un peu dans cette pièce plus fonctionnelle que conviviale, aménagée à une époque où le brun était de mise.

Les yeux pétillants, Sarah-Julie énumère les idées qu’elle a pour le magasin : «On pourrait garder la maison-mère, mais ouvrir de petits comptoirs Roset. On pourrait faire encore plus d’ententes avec des producteurs. On serait également capables de développer nos mets préparés…» Le flot d’idées est étourdissant et la jeune directrice peine à rester assise, emportée par son élan. 

En observant l’énergie qu’elle dégage lorsqu’elle parle de son magasin, il est évident qu’elle a trouvé sa voie, bien installée à la barre d’un navire ayant presque trois fois son âge. Sa conviction a également comme effet de rallier sa trentaine d’employés derrière elle. «J’ai une tonne d’idées, mais surtout l’énergie pour les réaliser», conclut-elle d’un ton déterminé.