Sillery a toujours été un quartier de prestige dans la ville de Québec. Même si les condos ont remplacé les grandes villas, le quartier est prisé pour sa beauté et sa douce tranquillité. Sillery a toutefois une importante histoire ouvrière qui s’est évaporée au fil des ans. C’est ce pan méconnu de son passé que nous vous appelons à découvrir.

Les grands chantiers du Foulon

Au 19e siècle, tout comme aujourd’hui, les somptueux boisés de Sillery et la vue imprenable sur le fleuve attirent les habitants de Québec à la recherche d’un hameau de paix à quelques kilomètres du centre-ville. Depuis sa fondation, Sillery a la réputation, par ailleurs fort méritée, d’être une ville où il fait bon vivre. Si ce fut toujours le cas sur le plateau sillerois, la situation au bord du fleuve était beaucoup moins rose à l’époque victorienne. 

Au siècle dernier, en descendant la côte de Sillery et la côte à Gignac, le paysage change radicalement, passant des imposantes villas des propriétaires terriens et des chefs d’entreprise à la sueur et la poussière des grands chantiers. 

Au pied du coteau de Sillery, d’immenses radeaux provenant des forêts de pins de l’Outaouais et d’ailleurs sont démontés et envoyés en Europe. De gigantesques arbres, coupés, taillés, équarris et rabotés qui, pendant plus d’un siècle, servent à construire des navires, des églises et des châteaux aux quatre coins de l’Empire britannique. 

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Ce dur labeur occupe des centaines d’ouvriers. Ils se nomment L’Heureux, Morissette et bien sûr Gignac, mais également Bowen, McCann et Murphy. Ils sont forcés de construire leurs maisons entre le cap et la berge où se situent les chantiers. Au fil du temps, de petites maisons s’agglutinent le long de la rue du Foulon. 

Après la fermeture des chantiers, la construction du chemin de fer et d’importants réservoirs d’essence encercle le quartier et lui retire son accès au fleuve. Le développement du boulevard Champlain viendra finalement détruire une bonne partie du chemin du Foulon et des maisons qui y avaient pignon sur rue. 

Seule la partie au bas de la côte à Gignac demeure et donne une bonne idée de l’aspect de cette petite bourgade d’ouvriers.


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Le 2416, chemin du Foulon en 1904 et aujourd’hui. La photo de 1904 montre la famille du menuisier Hubert Girard.


La ville du berger

Aujourd’hui, à l’est de l’avenue Maguire, entre le chemin Saint-Louis et la rue de Bergerville, de petites maisons canadiennes clairsemées témoignent d’un passé pas si lointain où se dressait un petit village ouvrier bourdonnant d’activité. 

Woodfield-Sillery tire son nom du domaine de Woodfield, développé et habité par William Sheppard, un homme d’affaires prospère ayant eu un impact majeur sur le village de Sillery. 

En 1847, la fortune de M. Sheppard disparaît pratiquement du jour au lendemain. Victime des aléas du marché, il doit se départir de son imposant domaine. 

Ayant toutefois conservé son flair pour les bonnes affaires, il décide de séparer en parcelles une partie de son immense terrain et d’en faire ce que nous appelons maintenant un quartier résidentiel. Vendues 40 livres, les parcelles sont payables par versements annuels de 2 livres. 

Une offre très alléchante pour les travailleurs qui ont maintenant la chance de s’établir en haut de la côte. La première journée de mise en vente, 15 acheteurs se présentent, assurant le succès de ce qui s’appelait Sheppardville, un nouveau quartier rapidement renommé Bergerville par ses habitants francophones (le mot anglais shepherd signifie «berger»).

Jusque dans les années 1950 et malgré l’apparition de la classe moyenne, qui prend Sillery d’assaut, Bergerville demeure une bourgade résolument populaire. Ceux qui y habitent sont des menuisiers, des charpentiers, des manœuvres, des ouvriers et des commis de magasins canadiens-français et irlandais. Beaucoup profitent du tramway, installé en 1911, pour aller travailler à Québec.