L’histoire de Sillery est riche et variée. Un thème revient toutefois souvent dans le développement de la ville : l’influence des ordres religieux. Au-delà des grands domaines détenus par les différentes communautés au cours des siècles et des œuvres qui les ont occupées, Sillery doit sa naissance même à ces femmes et ces hommes qui ont défriché un coin de forêt au bout du monde au nom de leur foi.

Les défricheurs

Les jésuites sont les premiers Européens à s’installer de manière permanente à Sillery. En 1637, les membres de la Compagnie de Jésus fondent la mission Saint-Joseph dans le but d’évangéliser les Iroquois qui fréquentent les lieux depuis bien avant l’arrivée des religieux français. Dès le milieu du 17e siècle, la mission comporte quelques habitations, une chapelle et un muret de pierre.

Attirées par ce centre spirituel en expansion à proximité de Québec, les augustines installent une maison dans l’anse voisine. Elles s’attaquent également à la tâche d’évangéliser les jeunes autochtones. 

À la fin du 17e siècle, les Iroquois, de plus en plus menaçants, entraînent le départ des religieux. Malgré l’abandon des lieux, l’établissement des jésuites et des augustines représente une première présence qui aura une grande incidence sur le développement de Sillery.

Avec sa nouvelle vocation agricole, le domaine des Jésuites devient une source importante de nourriture pour les frères. La Maison des Jésuites, située sur le chemin du Foulon, rappelle cette époque.

Des réfugiés de la foi pour remplacer les armateurs

À Sillery, la rentrée scolaire de 1870 est marquée par un changement de taille. Les Religieuses de Jésus-Marie viennent d’ouvrir leur couvent à Sillery et accueillent leurs premières pensionnaires. Encore de nos jours, l’école attire des jeunes filles de partout dans la région de Québec. La congrégation, comme beaucoup d’autres, est arrivée de France, préférant la dévotion des Canadiens français au républicanisme alors en pleine expansion dans l’Hexagone.

L’arrivée massive de religieux venus d’Europe coïncide avec le déclin d’une industrie qui a marqué le 19e siècle à Sillery et à Sainte-Foy. Alors que de plus en plus, les bateaux qui amènent les frères et les sœurs de France sont faits d’acier, les chantiers navals de Québec produisent des navires de bois. Cette nouvelle technologie a entraîné le départ ou la ruine de nombreux constructeurs de navires et commerçants de bois qui avaient établi de grands domaines à Sillery.

D’immenses terrains sont donc disponibles pour accueillir de nouvelles congrégations religieuses et leurs œuvres.

De nombreuses missions

L’installation sur le plateau de Sainte-Foy des Sœurs dominicaines de l’Enfant-Jésus, des Sœurs de Sainte-Jeanne d’Arc, des Pères maristes, des Augustins de l’Assomption, des Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux, des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, des Missionnaires d’Afrique (Pères blancs), des Sœurs du Bon-Pasteur, des Sœurs de la Charité et des Frères des écoles chrétiennes fait que les soutanes et les cornettes ne manquent pas à l’ouest de Québec au début du 20e siècle.

Les services qu’ils rendent à la communauté sont grands, en particulier en santé et en éducation. À cette époque, les congrégations sont vectrices de modernité.

Jésus-Marie est par exemple la première école à offrir le cours classique aux jeunes femmes, leur ouvrant par le fait même les portes des universités. L’Hôpital Laval, alors situé en pleine nature, est utilisé comme sanatorium pour les tuberculeux sous la garde des Sœurs de la Charité. On y trouve d’ailleurs toujours l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. C’est grâce à l’Hôpital Laval que l’aqueduc a fait son apparition à l’ouest de Québec.

Il y a toutefois une telle foison de communautés religieuses que vers 1950, environ 60 % du territoire développable de Sainte-Foy est occupé par ces dernières. Exemptes de taxes municipales et autosuffisantes, les communautés contribuent peu aux municipalités sur le plan financier et freinent le développement urbain.

Peu à peu, les religieux se départissent de leurs terres, lesquelles accueillent par la suite des projets de développement immobilier. Ils délaissent également leurs responsabilités sociales, de plus en plus prises en charge par l’État.

Le legs des communautés religieuses est à la fois immense et bien souvent intangible. Il reste évidemment les imposants bâtiments qu’elles laissent derrière, dont des hôpitaux et des écoles, mais leur héritage le plus important est les œuvres qu’elles ont réalisées pour les jeunes, les malades et toute la population de Sillery.