Le Musée national des beaux-arts du Québec présente jusqu’en janvier une exposition qui propose de partir à la découverte de la relation entre Jean-Paul Riopelle et Joan Mitchell. Rencontre avec Julien Saint-Georges Tremblay, historien de l’art et guide au Musée.

Jean-Paul Riopelle est bien connu au Québec. Il est le premier peintre de la province à s’être distingué à l’étranger. «Artistiquement, les Québécois avaient toujours été un peu à la remorque. Le groupe des automatistes, dont faisait partie Riopelle, a amené la culture québécoise à la fine pointe de la modernité. De ce groupe, une étoile est sortie : Riopelle», explique le jeune historien.

Son ascension rapide dans le monde de l’art donne le vertige. Moins de deux ans après son arrivée à Paris, il est exposé à New York par Pierre Matisse. Dans la capitale française, il est l’homme fort, l’indompté Canadien sauvage. Il se présente comme le fougueux coureur des bois du monde de l’art.

Beaucoup plus connue aux États-Unis que Riopelle, Joan Mitchell est également une avant-gardiste d’exception. La force de sa peinture témoigne de la teneur de son caractère. Une puissance qui plaisait beaucoup à son Canadien.

De 1955 à 1979, les deux artistes vivent une relation tumultueuse, nourrie d’alcool, de passion et, bien sûr, d’art. À une époque où ce monde était essentiellement masculin, ils ont une relation complémentaire. «Ils se relançaient. Mitchell n’était pas là pour faire la potiche. Elle a sûrement bien fait, parce que ça aurait été facile de tomber dans l’ombre du peintre masculin à cette époque-là», explique le guide.

S’influencer l’un l’autre

Leur style, tout comme la progression de leur pratique et de leur carrière, est très différent. Les deux amoureux n’ont jamais exposé ensemble et n’ont jamais parlé de l’influence de l’autre sur leur travail. «Mais lorsque tu mets deux tableaux de la même année côte à côte, tu vois des formes et des manières de travailler la peinture qui se recoupent.»

«Quand tu es en couple, à un moment donné, tu prends les tics de langage, les manières d’agir de l’autre. Les deux discutaient d’art. Mitchell, ça a été l’amour de la vie de Riopelle. Enfin, il ne l’a jamais dit, mais c’est évident que ça a été une relation fondamentale pour lui», souligne Julien Saint-Georges Tremblay.

Une fin triste?

L’exposition propose ainsi de voir comment leurs vies se sont rejointes au fil des ans pour finalement se séparer avec fracas. La dernière salle de l’exposition montre bien qu’ils ne vécurent pas heureux ensemble jusqu’à la fin des temps. Joan Mitchell reviendra d’un voyage dans notre pays avec sa série Canada, une des périodes les plus sombres de sa carrière.

C’est également à ce moment que Riopelle réalise sa série Icebergs, inspirée d’un voyage dans le Grand Nord. Une succession de toiles essentiellement en noir et blanc. Des œuvres magnifiques, mais à des années-lumière des œuvres lumineuses qui ont fait connaître le Canadien au fil des ans.

L’hommage à Rosa Luxemburg

Lorsqu’il apprend la mort de la femme de sa vie en 1992, Riopelle entre dans la dernière grande période créative de sa carrière. Il peint rapidement L’hommage à Rosa Luxemburg, une œuvre bien connue au Québec qu’il réalise en mémoire de Mitchell.

«Une chance qu’il y a L’hommage à Rosa Luxemburg, dit le guide et historien. C’est une œuvre pleine de nostalgie.» L’histoire d’amour, racontée par le biais de la peinture, ne se termine donc pas avec la noirceur de la rupture, mais bien avec l’amour mélancolique d’un vieil homme hors du commun qui, au final, était bien content d’avoir aimé cette femme hors norme.