Si, de nos jours, nous construisons des condominiums de prestige avec vue sur le fleuve Saint-Laurent, au 19e siècle, ce paysage privilégié était, à Sillery, surtout réservé aux défunts. Le développement Woodfield-Sillery partage en effet son quartier avec des voisins plus que tranquilles : deux cimetières débordants d’histoire. 

Repos éternel pour le gratin de Québec

Au début du 19e siècle, les cimetières font partie du paysage urbain. Jusqu’alors, on enterre les morts près des églises, directement en ville. L’épidémie de choléra de 1832 vient toutefois changer les choses. Les cimetières surchargés quittent le centre-ville pour de splendides domaines aux allures de grands parcs, où des arbres gigantesques accueillent les promeneurs. Créé en 1844, le cimetière Mount Hermon à Sillery est le premier de ces grands cimetières «de banlieue». 

Curieuse histoire, le premier homme à y être mis en terre est un certain capitaine Christopher Ferguson, du Brig Transit. Enterré le 15 juin 1848, il aurait visité le cimetière – dont on achevait l’aménagement – avec des membres de son équipage une journée auparavant. S’arrêtant à un endroit d’où il pouvait voir le fleuve Saint-Laurent, il aurait demandé à ses hommes de l’enterrer à cet endroit s’il venait à mourir à Québec. Il tomba malade en retournant à son navire et mourut rapidement. Il fut enterré le jour suivant. Sa tombe porte le numéro 1 dans le registre du cimetière.

Au début, l’accès au cimetière est réservé aux personnes y possédant un lot, et seulement après le service religieux du dimanche. Mais grâce aux efforts horticoles de la famille Treggett, surintendants du cimetière de père en fils jusqu’à nos jours, le cimetière devient petit à petit un lieu de promenade recherché par la bourgeoisie de Québec. 

Sur le grand terrain se trouvent les sépultures des familles anglophones influentes de Québec. Avoir un espace réservé au cimetière Mount Hermon était un symbole important du statut d’un notable. D’ailleurs, il n’était pas rare qu’une famille à qui la fortune avait souri remplace les tombes modestes de ses prédécesseurs par d’imposants mausolées plus dignes de son nouveau statut. 

Un cimetière pour les Irlandais

En 1847 seulement, plus de 100 000 Irlandais arrivent au Canada par la Grosse Île. Une partie d’entre eux quittent rapidement la région en direction de l’Ontario et de l’Ouest, mais beaucoup s’établissent dans la région de Québec. 

Les Irlandais étant de foi catholique, mais s’exprimant en anglais, il était impératif pour eux de se développer une paroisse bien à eux et, par le fait même, d’avoir leur propre cimetière. 

En 1856, une partie du cimetière Saint-Louis – aujourd’hui disparu –, qui se trouvait sur Grande Allée, prend le nom de cimetière Saint-Patrick et est réservé aux immigrants irlandais. 

Cet arrangement temporaire prend fin en 1877, alors que la communauté achète une parcelle de l’ancien domaine Woodfield, ayant jadis appartenu au marchand William Sheppard. Les défunts enterrés à Québec sont transférés en mai 1879 et le cimetière est consacré par l’archevêque Elzéar Taschereau en présence de plus de 6 000 personnes, beaucoup venues de Québec en bateau pour l’événement. 

Au fil du temps, le cimetière Saint-Patrick est demeuré un élément central pour la communauté irlandaise de Québec. Deux anciens maires de la ville y sont d’ailleurs enterrés.